En sortant du métro Anvers (ligne 2), nos yeux sont tout de suite attirés par la façade blanche style Art Nouveau de l'Elysée Montmartre, ornée de son haut-relief qui provient d'un autre bal célèbre aujourd'hui disparu le « Bal Mabille ». Lorsque l'on découvre pour la première fois la grande salle, on est fasciné par sa structure métallique. Nous ne sommes pas surpris d'apprendre qu'elle provient de l'exposition universelle de 1889 et qu'elle a été réalisée par notre illustre Gustave Eiffel.
L'Elysée Montmartre
L'Elysée Montmartre est une des plus anciennes salles de spectacle parisienne, son ouverture date de 1807. Elle fut à l'origine et durant une longue période un bal. Des bals, il y en a eu beaucoup à Montmartre surtout à l'époque où les parcs publics n'existaient pas encore. Les Parisiens étaient friands de ces lieux de fête accompagnés d'un grand jardin.
Si l'Elysée Montmartre a pu renaître de ses cendres suite à l'incendie de 2011 en conservant sa patine d'origine, c'est bien parce que des passionnés ont été à l'écoute de son histoire. Et pour cause lorsque l'on commence à s'intéresser à ce lieu et à se documenter, on comprend pourquoi l'Elysée Montmartre a su fasciner autant de générations.
Le bal deviendra d'abord célèbre en 1860 grâce à Olivier Metra le plus célèbre et populaire compositeur de son époque. Tout le monde connaissait ses valses, polkas, mazurkas et quadrilles. Il y lancera même le premier bal masqué qui rencontra un vif succès !
Au temps de la Commune, la grande salle est réquisitionnée pour la fabrication des ballons postes, un vrai atelier aérostatique. C'est ici également que Louise Michel organisa les premières réunions des droits des femmes ce qui poussa les Montmartroises à prendre part aux combats de la Commune et iront même jusqu'à se tenir debout en première ligne sur les barricades.
C'est ici également que se déroula la centième représentation théâtrale de « l'Assommoir » d'Emile Zola; on a organisé pour l'événement un bal déguisé où les hommes devaient venir habillés en ouvrier et les femmes en blanchisseuse.
Avec l'ouverture du cabaret Le Chat noir en 1881, c'est l'arrivée de l'intelligentsia à Montmartre autrement dit « la bohème » qui fréquentera assidument l'Elysée Montmartre. Et tout le quartier deviendra « the place to be ».
Mais qui dit bal dit aussi danse et surtout french cancan sachant qu'à l'origine cela s'appelait « la chahut » l'art d'improviser avec sa propre fantaisie. C'est ici que les danseuses dites « les cancanneuses » avec la célèbre Goulue, son amie Grille d'égout et le danseur Valentin le Dessossé enflammèrent la piste à coup de jupons et d'acrobaties et perfectionnerent leur art avant d'être embauchés au Moulin Rouge. Sur scène, les danseuses exprimaient leur rage contre le patriarcat, contre l'armée et l'église (d'où l'invention de figures telles que « la mitraillette », « le pas de charge », « le salut militaire », « les cloches », « la cathédrale »).
Mais on viendra surtout les voir pour autre chose que leur message ou bien leurs
performances, La provocation ultime provenait du fait qu'elles portaient des culottes fendues et que parfois certaines n'en portaient pas du tout. Le french cancan devient alors le pionner du strip-tease, à partir de là on en fera un spectacle populaire de masse et même encore aujourd'hui, peu de personnes savent que cette danse a été un des premiers combats féministes.
L'Elysée-Montmartre s'est même transformée dans les années 1949 à 1970 en salle de boxe et de catch et Coluche a fait un de ses premiers sketchs jouant au violon « le temps des cerises » avec des gants de boxe !
Dans les années 80, la salle sera plutôt réservée aux concerts, ce qu'elle est toujours aujourd'hui avec des styles de musiques très différents et a accueilli la chanson française comme Souchon, Bashung, Jacques Higelin, du rock avec Noir Désir, Iron Maiden mais aussi de la pop internationale avec David Bowie, Cyndi Lauper, Red Hot Chili Peppers, Daft Punk.
L'Elysée Montmartre n'a eu de cesse de se réinventer, se moderniser au fil des années et des siècles au plus grand bonheur de ses spectateurs. Tel le Phoenix, on l'a vu renaître de ses cendres en 2016 et on lui souhaite une longue et belle vie encore !
L. Pires
Source : Bibliographie L'Elysée Montmartre de 1807 à 1906 de Renée Grimaud et Anne Cauquetoux
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